concept de "race"

Questions pour mieux comprendre le concept de "race" - Application à l'abeille noire

Certains apiculteurs éprouvent des difficultés dans la compréhension du concept de race. Cette problématique est spécialement rencontrée dans le cas de l'abeille noire. Des apiculteurs affirment que les croisements avec les races étrangères ont eu raison de cette abeille. D'autres prétendent toujours élever cette race. Allez donc savoir ! Cet article reprend un certain nombre d'éléments de réflexion qui permettront à chacun de se forger une opinion.

Apiculture et biodiversité

Dans le cadre du développement durable, on parle de conservation de la biodiversité. Les apiculteurs sont-ils concernés ?

On estime que la terre abrite jusque trente millions d'espèces, chacune de celles-ci présentant une variation plus ou moins importante; finalement, au sein d'une espèce, chaque individu est différent des autres. La biodiversité représente l'ensemble des êtres vivants dans toute leur variabilité. Il faut y ajouter l'ensemble des milieux naturels dans lesquels les espèces vivent, ainsi que les relations complexes qu'elles entretiennent avec ceux-ci. L'abeille est une espèce qui présente une grande variation en fonction du climat et de la flore, d'où l'existence des nombreuses races et écotypes reconnus par les apiculteurs. La conservation de ce patrimoine, comme de celui de toutes les espèces vivantes, est une nécessité reconnue aujourd'hui par tous les scientifiques. Plus que d'autres, l'apiculteur est donc concerné par la conservation de la biodiversité : la race d'abeilles qu'il élève et son attitude face à l'abeille indigène engagent lourdement sa responsabilité.

Dans ce contexte, l'abeille noire présente-t-elle encore une quelconque utilité ?

L'abeille noire est encore utilisée par de nombreux apiculteurs en Europe, y compris par des apiculteurs professionnels. L'abeille noire présente donc de réelles potentialités économiques. Les éleveurs d'abeilles noires, comme d'autres éleveurs, sont régulièrement sollicités par des professionnels qui recherchent des caractères particuliers (douceur, cycle de développement). Cette demande de matériel génétique peut même émaner d'éleveurs de l'abeille Buckfast, signe que la conservation de la biodiversité est un service rendu à l'apiculture dans son ensemble et utile à chacun.

Définir une race

Comment les scientifiques définissent-ils une race ?

L'abeille mellifère est une espèce, c'est-à-dire un ensemble d'individus (les colonies) vivant et se reproduisant ensemble sur une aire géographique donnée. Ces individus sont incapables de se reproduire avec ceux d'une autre espèce; ainsi, l'abeille ne peut s'hybrider avec les bourdons ou les guêpes; les scientifiques parlent d'isolement reproductif. L'isolement reproductif est le critère principal de définition des espèces. L'abeille mellifère est présente dans un grand nombre de pays où elle rencontre des conditions écologiques très variables (climat, flore) auxquelles elle est adaptée. Cette adaptation se traduit par une morphologie, un comportement, un cycle de développement annuel... différents d'une région à l'autre. On constate donc que l'espèce ne correspond pas à une entité homogène dans laquelle toutes les colonies partout sur l'aire de répartition se comporteraient de la même manière. Au contraire ! Une espèce avec une aussi large répartition géographique est avant tout un ensemble diversifié. Dans cette diversité, il est possible de reconnaître des sous-ensembles assez cohérents, c'est-à-dire des colonies qui vivent sur un territoire plus restreint avec des conditions écologiques assez homogènes. Ces sous-ensembles constituent les races. L'apiculteur peut reconnaître ces races en utilisant des critères morphologiques (" biométrie ").

Faut-il parler de race ou de sous-espèce ?

Le terme exact reconnu par les scientifiques est celui de sous-espèce. Il recouvre donc un ensemble de colonies caractérisées par un certain cycle de développement annuel et une morphologie particulière, sur un territoire géographique défini. Les apiculteurs ont pris l'habitude de parler de race, ce qui peut prêter à confusion. Dans ce cas, il faut entendre race dans le sens de race géographique.

Peut-on comparer les races d'abeilles aux races de chiens, de bovins... ?

Les races géographiques ou sous-espèces résultent d'une longue évolution d'un ensemble de colonies soumises à des conditions écologiques particulières (surtout la flore et le climat). Elles sont le fruit d'un processus naturel - appelé sélection naturelle - qui a duré de très longues années. Les races domestiques résultent fondamentalement d'un processus identique, à savoir la sélection génétique. Celle-ci a cependant été menée par l'homme en vue d'adapter une population à un objectif précis, par exemple pour le chien, la garde des troupeaux ou la chasse. Ce sont essentiellement les conditions d'élevage qui ont modelé les races domestiques. La race domestique a non seulement une histoire biologique, mais aussi une histoire économique. En clair, le concept de race domestique, fruit du travail de l'homme, n'est pas identique à celui de race géographique, fruit du travail de la nature.

Quels critères peut-on utiliser pour définir ou reconnaître une race ?

Les apiculteurs utilisent des critères morphologiques (indice cubital, couleur...) pour définir une race. Les scientifiques font appel à des critères plus pointus et plus performants, les critères moléculaires. Ces critères sont très intéressants, notamment parce qu'ils permettent de lire directement le matériel génétique des individus (les gènes); la biométrie, l'étude des critères morphologiques, se contente d'étudier le résultat de l'expression des gènes. Parmi les critères moléculaires les plus récents, on reconnaît l'étude de l'ADN mitochondrial (ADN présent dans les mitochondries, la centrale énergétique de la cellule vivante) et les séquences microsatellites (ADN du noyau cellulaire). L'ADN mitochondrial est transmis par la voie femelle (de mère en fille). Ainsi, une reine possède le même ADN mitochondrial que sa mère, et ainsi de suite. Cet ADN n'est pas influencé par le père. En examinant l'ADN mitochondrial, on sait donc, par exemple, si une reine de race noire a eu "un jour" (sans limite dans le temps !) un ancêtre d'une autre race par la voie femelle. Les séquences microsatellites sont des fragments d'ADN qui ne semblent pas porter d'information. Ces fragments se caractérisent par la répétition d'une petite séquence de bases (les bases sont les constituants de l'ADN); leur transmission biparentale permet de repérer les croisements entre races.

Pour l'abeille noire, les généticiens parlent de lignée M; chaque race appartient-elle à une lignée différente ?

Les études de L. GARNERY sur la diversité génétique de l'abeille domestique ont permis de diviser les populations étudiées en quatre grands groupes appelés " lignées évolutives ". Cela s'explique par l'histoire évolutive de l'abeille qui aurait colonisé l'Europe et l'Afrique à partir d'un centre d'origine commun à toutes les races. En colonisant les différentes régions, les échanges génétiques ont diminué, les abeilles se sont adaptées à de nouvelles conditions écologiques... Cette colonisation s'est réalisée dans différentes directions, d'où l'existence de quatre lignées évolutives. On reconnaît notamment la lignée M (mellifera, iberica) mais aussi la lignée C (carnica, ligustica), la lignée O (caucasica) et la lignée A (races africaines).

Croisements et races "pures"

Que veut-on dire par l'expression " race pure " ?

On peut proposer diverses définitions de la race pure et ce concept est ambigu. Une définition pratique pour l'apiculteur consiste à observer deux individus : ceux-ci sont de race pure si, lorsqu'ils ont une descendance, celle-ci est identique aux parents. Ainsi, deux chiens de race Yorkshire sont de race pure si les chiots sont aussi de race Yorkshire. Il en est de même chez l'abeille. L'accouplement d'une reine de race noire avec des mâles de la même race donne des ouvrières de race noire. Les races pures se reconnaissent par les critères utilisés pour définir une race (biométrie, comportement, critères moléculaires). Par contre, un croisement entre deux races (par exemple, reine noire accouplée avec des mâles carnioliens) donne des ouvrières qui n'appartiennent à aucune des deux races parentales; ce ne sont donc pas des ouvrières de race pure (on les dit croisées ou hybridées). Certains définissent la race pure par l'absence de caractères génétiques provenant d'une autre race. Par exemple, l'abeille noire (mellifera) appartenant à la lignée évolutive M ne devrait pas posséder de matériel génétique d'une autre lignée évolutive. Envisager la pureté des races sous cet angle seul conduit à une impasse (voir ci-dessous).

Que se passe-t-il lorsqu'une colonie est croisée ?

Le croisement avec une autre race peut donner dans un premier temps un résultat intéressant, une colonie plus productive par exemple; ceci est à mettre sur le compte du phénomène d'hétérosis (vigueur des hybrides) présent au cours de la première génération de croisement (F1). Cet hétérosis disparaît ensuite pour laisser la place à des colonies finalement moins intéressantes que les colonies parentales (par exemple, plus agressives, moins productives). C'est pour cette raison que l'on déconseille aux apiculteurs de travailler avec des croisements (sauf des F1). Dans certaines conditions très strictes, les croisements entre races peuvent être poursuivis au-delà de la F1 et accompagnés de sélection intense. Cette technique n'est pas à la portée de tout apiculteur : il a fallu au frère ADAM, " père " de l'abeille Buckfast, des dizaines d'années pour arriver à un bon résultat ! Dans la pratique de terrain, chacun utilise une race de son choix, sans coordination régionale. On assiste alors à des croisements " anarchiques " conduisant à une population d'abeilles abâtardies, mais aussi à la disparition de la race indigène : la tendance actuelle conduit donc à la disparition de l'abeille noire et à une diminution de la biodiversité. Les apiculteurs qui utilisent une race étrangère contribuent donc à la diminution de la biodiversité et s'inscrivent dans le même courant que l'agriculture actuelle, intensive et peu respectueuse de l'environnement.

Faut-il parler de métissage, de croisement ou d'hybride ?

Le langage utilisé par les apiculteurs pour parler des croisements est diversifié. Un hybride résulte normalement du croisement de deux espèces différentes (hybridation interspécifique), situation inexistante chez les abeilles puisque ce sont les sous-espèces (ou races) qui sont croisées. Il est donc préférable de parler de colonies croisées ou métissées. On emploie aussi le terme hybride pour parler de deux races croisées (hybridation interraciale); le contexte permet facilement de faire la part des choses.

Comment les généticiens mesurent-ils l'impact des croisements ?

Les apiculteurs utilisent la biométrie pour évaluer la pureté d'une colonie. Les généticiens utilisent les marqueurs moléculaires; ils étudient l'origine de l'ADN dans une population ou une colonie. Par exemple, la découverte d'ADN d'une autre race dans une population d'abeille noire indique que cette population est croisée. Dans le cas contraire, elle est de race pure. Le degré de " pureté " s'exprime par le pourcentage d'introgression : plus ce pourcentage est élevé, plus la colonie est croisée. Les apiculteurs parlent souvent de pollution génétique pour exprimer l'introgression.

Avant l'existence de l'apiculture, les races d'abeilles étaient-elles totalement pures ?

Dans la plupart des cas, des échanges génétiques (= " croisements naturels ") entre les différentes races géographiques se produisent depuis toujours. Les barrières naturelles entre les races (par exemple les Alpes pour l'italienne, la carniolienne et la noire) ne sont pas infranchissables. Si ces échanges naturels n'avaient pas existé, l'isolement reproductif aurait conduit, avec le temps, à l'émergence d'autant d'espèces différentes; or, toutes les races d'Apis mellifera sont encore interfécondes. Du point de vue génétique, les races géographiques n'ont donc jamais été totalement pures. C'est une erreur d'appréciation de prétendre qu'une race a disparu parce qu'elle renferme des caractères génétiques d'une autre race. En réalité, si on étudie le centre de l'aire de distribution de deux races, il est possible de distinguer les deux races très facilement ; en revanche, dans la zone géographique où les deux races entrent en contact, on trouvera des hybrides naturels entre ces deux races, et l'affectation de ces populations à l'une des deux races sera plus difficile, voire parfois impossible.

Dans ce contexte, que dire de la Buckfast ?

L'abeille Buckfast n'est pas une race géographique. Elle est le fruit d'un long processus de croisement et de sélection mené par le Frère ADAM à partir d'un grand nombre de races géographiques différentes (d'où l'utilité de conserver les différentes races d'abeilles). Les critères morphologiques ne s'appliquent pas à cette race. Sa composition génétique (critère moléculaire) est en cours d'étude par L. GARNERY. Le travail de sélection après croisement a permis de " stabiliser " l'abeille Buckfast; elle se comporte aujourd'hui comme une race pure : les colonies Buckfast croisées entre elles donnent une descendance de race Buckfast.

Les races sont définies selon des critères morphologiques. Correspondent-elles toujours à une entité homogène sur le plan génétique ?

L'abeille italienne est un excellent exemple. Les travaux de Franck ont montré que les abeilles de ce pays font partie d'une zone de croisement naturel depuis le nord jusqu'au sud et que la sous-espèce ligustica est en fait un hybride naturel entre les deux lignées évolutives M et C. Ce résultat est observé autant avec l'ADN mitochondrial qu'avec les séquences microsatellites. Ainsi, ce que les apiculteurs définissent comme une race pure à l'aide de la biométrie et du comportement est en fait " hybride " sur le plan génétique ! Pourtant, on ne remet guère en cause l'existence de l'abeille italienne.

Finalement, est-il encore possible de rencontrer une race pure ?

Rappelons que les échanges génétiques entre races sont des phénomènes naturels; les échanges commerciaux de reines ont créé de nouveaux échanges impossibles géographiquement et en ont augmenté l'intensité. Si, pour exister aujourd'hui et être reconnue comme telle, une race ne peut contenir certains caractères génétiques d'une autre race (ne peut être introgressée), dans ce cas, il n'y a plus aucune race d'abeilles ! Cette position est intenable et contredite par la pratique de terrain. En fait, la distinction, autant au plan moléculaire qu'au plan morphométrique, dépend des limites que l'on se fixe pour distinguer les races. Les races sont des sous-espèces et non des espèces. Elles ont naturellement et depuis toujours des échanges de gènes entre elles. La différenciation entre ces sous-espèces est liée à des facteurs adaptatifs (influence du milieu) qui maintiennent les différences.

Puisque les échanges entre races ont toujours existé, pourquoi ne disparaissent-elles pas ?

Le matériel génétique de l'abeille est soumis à deux tendances opposées. D'une part, les échanges génétiques entre races qui vont vers un mélange et la disparition des races. D'autre part, les facteurs du milieu, comme le climat et la flore, qui conduisent à l'élimination des caractères génétiques peu intéressants et vont donc dans le sens d'une différenciation. Cette deuxième tendance est la plus forte et elle maintient une hétérogénéité géographique du matériel génétique, et donc, l'existence des races.

L'abeille noire

Pourquoi certains apiculteurs ont-ils intérêt à prétendre que l'abeille noire a disparu ?

Ces apiculteurs sont souvent ceux qui élèvent une abeille de race étrangère. Si l'abeille noire n'existe plus, ils ne peuvent être accusés de " polluer " génétiquement leur environnement, de provoquer des croisements avec l'abeille noire et finalement de contribuer à sa disparition. L'extinction de l'abeille noire serait une bonne chose qui leur donnerait les mains libres pour élever la race de leur choix.

Peut-on affirmer que l'abeille noire existe encore aujourd'hui, malgré les nombreuses importations de reines de races étrangères ?

L'abeille noire est bien définie sur le plan moléculaire. Les deux races qui la constituent (Apis mellifera mellifera et A. m. iberica) appartiennent à la lignée évolutive M. Si l'on tient compte du grand nombre de reines des sous-espèces allochtones (= étrangères, non indigènes et donc " non noires ") introduites chez nous, la représentation des caractères génétiques de ces races observés dans les populations de la lignée M, en Belgique mais aussi en France, est bien en dessous de ce que l'on pouvait attendre. Selon L. GARNERY, ceci est probablement un argument en faveur de l'idée que les abeilles d'origine importée ne font pas souche (= finissent par disparaître). S'il s'agit d'éliminer d'une population d'abeilles noires l'ensemble des abeilles comportant au moins une caractéristique provenant d'une autre lignée évolutive, il n'y a en effet plus d'abeille noire. Il en va de même pour l'abeille italienne; le fait de trouver qu'au niveau moléculaire elle est constituée d'un mélange des lignées M et C serait un argument en faveur de la disparition totale de cette abeille, ce qui est absurde. En fait, tout dépend des limites fixées pour la distinction entre race, tant au plan biométrique que moléculaire. Comme les échanges entre races ont toujours existé, un niveau zéro pour le pourcentage d'introgression serait une absurdité.

Pour expliquer l'évolution génétique d'une population, les généticiens parlent notamment de sélection naturelle et de dérive; qu'entend-on par là ?

Les gènes (fragments d'ADN responsables des caractéristiques d'un être vivant) sont soumis à deux mécanismes évolutifs bien connus des généticiens. Le premier est celui de la sélection naturelle : certains gènes permettent aux individus (les colonies) de bien se défendre dans un milieu donné et sont conservés dans une population; les gènes défavorables sont progressivement éliminés. Le second mécanisme est la dérive génique. Il explique notamment pourquoi une caractéristique rare dans une population finit souvent par disparaître. Les caractéristiques des sous-espèces allochtones (les " races étrangères ") diffusées au sein d'une population indigène sont soumises à cette dérive. Sélection naturelle et dérive peuvent expliquer que les abeilles d'origine importée ne fassent pas souche.

Comment expliquer qu'on retrouve souvent l'abeille indigène dans les ruchers abandonnés ?

Il est exact que les ruchers abandonnés sont intéressants à étudier car ils renferment souvent des ruches peuplées d'abeilles noires non croisées. De même, les colonies " sauvages " dans les bois par exemple, sont souvent peu ou pas croisées. Toutes ces colonies doivent survivre sans l'aide de l'apiculteur. A long terme, ce sont donc les colonies bien adaptées à leur environnement qui vont résister. Comme on l'a vu, c'est justement l'abeille indigène qui, sous l'effet de la sélection naturelle, est la mieux adaptée aux conditions écologiques locales. Voilà pourquoi les autre colonies, croisées ou d'une autre race, finissent par disparaître. On voit ainsi comment des gènes étrangers finissent par disparaître d'une population. La sélection naturelle est un mécanisme important pour comprendre pourquoi la population d'abeille en Belgique est encore si proche de la race noire, malgré les importations. Il faut reconnaître aussi qu'énormément de ruchers sont conduits de manière très extensive (pas d'élevage de reines, repeuplement à partir d'essaims) ; la sélection naturelle peut s'y exercer assez librement.

Comment expliquer l'introgression de l'abeille noire en Belgique, plus spécialement dans le Sud-Hainaut ?

Il est évident que l'introgression de la population de Chimay s'explique en grande partie - mais pas uniquement - par son histoire récente, c'est-à-dire par l'importation de reines de races allochtones. Elle s'explique aussi par le fait que les barrières naturelles entre sous-espèces ne sont pas parfaites; il y a toujours une certaine introgression naturelle entre races. D'ailleurs, si l'isolement reproductif était réalisé depuis suffisamment longtemps entre les races, on ne parlerait plus de sous-espèces, mais d'espèces et les croisements seraient devenus impossibles !

Comment interpréter l'introgression de l'abeille noire du Sud-Hainaut ?

Les études de L. GARNERY révèlent une légère introgression de l'abeille noire dans cette région, ce qui amène certains apiculteurs à affirmer que l'abeille noire y a disparu. En réalité, cette introgression est sans doute plus le témoin de l'histoire passée de la population, que le signe d'une disparition de la race. En effet, les séquences microsatellites utilisées pour l'étude de la population du Sud-Hainaut sont pratiquement neutres sur le plan évolutif ; elles ne sont donc pas ou peu soumises à la sélection naturelle. Les caractéristiques d'origine importée disparaissent difficilement et restent donc présentes dans une population. La situation est toute différente pour les gènes liés aux aptitudes de l'abeille ; ceux-ci sont fortement soumis à la sélection naturelle. On peut donc penser que le taux d'introgression réel pour les gènes qui intéressent les apiculteurs est bien différent de celui qui est mis en évidence par les séquences microsatellites. En conclusion, le taux d'introgression relevé dans la population du Sud-Hainaut peut être jugé comme tout à fait satisfaisant et il plaide en faveur du maintien d'une abeille noire bien conservée.

 

Texte extrait du site : https://www.mellifica.be/fr/abeille-noire/genetique/question.html